Novembre le taciturne
Comme chargé de mission, tous les matins, Félix attend
Sous les tilleuls dénudés, délavés par la pluie et le vent.
Patient, l’œil aiguisé,
il observe les ouvriers du gîte
Qui oeuvrent assidument
entre deux averses et font vite.
Que novembre est maussade avec toute cette eau,
Le ciel fâché répand depuis des jours, des seaux et des seaux
Sur notre vallée où, sauvage, la Vésubie, grossie, à gros bouillons
Emporte, comme
des noyés, des bois flottés et des gros troncs.
Les murs de pierres sèches de nos villages séculiers,
soudain se fâchent,
Demandent grâce, n’en peuvent plus, le ventre gonflés,
ils se lâchent.
C’est le mois où les cimetières prennent enfin les couleurs
du temps,
Fleurs du souvenir, regrets et larmes transparentes des absents.
On se souvient de ceux qui trop fatigués, usés, nous ont
quitté,
De ceux, qui, dans
la fleur de jeunesse, si brutalement
emportés.
Sous la lumière filtrant
des nuages plombés, les couleurs chaudes
De l’automne imprègnent nos forêts, où l’humus
odorant, dès l’aube
Exhale le parfum des feuilles mortes en tapis où l’eau
s’infiltre cristalline.
Tableau renouvelé sans cesse où le brun se marie, se mêle
et s’acoquine
Au jaune et rouge des cerisiers sauvages et des érables tremblants.
Pourquoi cette mélancolie soudaine qui me prend ?
Elle ne devrait pas pourtant car c’est ce mois, en ses derniers jours
Qui m’a offert une
joie à nulle autre pareille en cette année 1974,
L’arrivée d’un enfant charmant…. il y a
de cela 40 ans.
Veille, Félix, vigie silencieuse du temps qui passe, sous
les tilleuls de Venanson.
Colette Martin
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire